Libération du crédit inter-entreprises, réforme du régime des bons de caisse avec la création des « minibons » permettant l’intermédiation sur les plates-formes internet de financement participatif : voici deux dispositions de la loi « Macron » proposant une alternative au monopole bancaire.

Alors que le loyer de l’argent n’a jamais été aussi bas, que les liquidités bancaires abondent et que les chiffres de la Banque de France, à fin juin 2016, montrent que l’encours de crédits bancaires mobilisés des entreprises de 877 milliards d’euros est en progression de 3,6 % sur un an, quels seront les apports de ces nouvelles formes de financement pour les entreprises ?

1) Le prêt entre entreprises :

Le crédit inter-entreprises (l’encours des créances clients diminué des avances versées par anticipation par ceux-ci) qui correspond à ce que le code monétaire et financier défini comme des « délais ou avances de paiement » représentait fin 2014, 632 milliards d’euros.

 

 

Financements alternatifs aux banques

 

Le décret n°2016-501 du 22 avril 2016, publié au Journal Officiel du 25 avril, met en application l’article 167 de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015, dite « Loi Macron ». Modifiant ainsi l’article 511-6 du code monétaire et financier, il est maintenant possible, sous certaines conditions, pour les sociétés par actions ou les sociétés à responsabilité limitée, d’octroyer des prêts à d’autres entreprises : microentreprises, PME, ETI1.

Quelles seront les conditions requises pour les entreprises prêteuses :

  • une relation de partenariat entre prêteur et emprunteur sans pour autant avoir de liens capitalistiques devra exister,
  • le prêteur devra fournir des comptes certifiés par un commissaire aux comptes et donc inscrire au bilan de son entreprise les opérations de crédit qu’il a consenties,
  • le ou les crédits d’une durée maximum de 24 mois sans limite de montant devront être formalisés par contrat,
  • la ou les cessions de créances à un tiers ou dans le cadre d’une opération de titrisation ne seront pas autorisées.

Des seuils ambitieux ont été retenus : les entreprises peuvent se prêter jusqu’à 50% de leur trésorerie excédentaire et ce dans la limite de 10 millions d’euros, 50 millions d’euros ou 100 millions d’euros pour les prêts accordés respectivement par une petite ou moyenne entreprise, une entreprise de taille intermédiaire ou une grande entreprise.

La France rejoint ainsi les autres pays de l’Union européenne dans l’octroi de crédit par une entreprise à une autre entreprise. Néanmoins, il convient de veiller à ce que cette possibilité ne soit pas de nature à favoriser l’emprise des grands donneurs d’ordres sur leurs fournisseurs.
Notons également que la modification du code monétaire et financier donne, à certaines associations et fondations, la possibilité de se financer au moyen de prêts octroyés non seulement par des personnes physiques mais aussi par des personnes morales, toujours à titre gratuit.

2) La modernisation du régime des bons de caisse :

L’ordonnance n°2016-520 du 28 avril 2016 modernise le droit des titres et assouplit le régime juridique des plates-formes de financement participatif.

Les minibons :
Une nouvelle classe d’obligations simplifiées a été introduite : les « minibons ». Ils feront l’objet d’une intermédiation sur les plate-formes internet de financement participatif (CIP2).
Ces plates-formes pourront proposer aux internautes des minibons émis par des entreprises : sociétés par action et sociétés à responsabilité limitée qui auront établi le bilan de leur troisième exercice et dont le capital est entièrement libéré. Le montant total des offres de minibons d’une même entreprise ne peut pas excéder un plafond fixé par voie réglementaire à 2,5 millions d’euros, calculés sur une période de douze moins glissants.
Par dérogation au droit commun des bons de caisse, les plates-formes pourront procéder à une émission globale conférant un droit de créance identique pour une même valeur nominale.
Principales caractéristiques de ces minibons (qui devront être détaillées dans un document d’information réglementaire synthétique selon une instruction publiée par l’Autorité des marchés financiers) :
• échéance à 5 ans maximun,
• amortissable selon les conditions précisées par voie réglementaire,
• taux d’intérêt fixe et plafonné.
Les minibons pourront être souscrits tant par des particuliers que par certains acteurs institutionnels.

La cession des minibons :
La circulation des minibons (enregistrement et opérations de cession) par le moyen de la technologie « Blockchain » a été également autorisée. La blockchain est un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant l’authentification des opérations dans des conditions, notamment de sécurité, définies par décret en Conseil d’Etat. C’est une base de données fonctionnant de manière décentralisée, au fonctionnement de laquelle tous les utilisateurs participent.

Modalités de cession :

  • si l’émission des minibons n’a pas été enregistrée dans une blockchain : les minibons sont cédés dans les mêmes conditions que les bons de caisse sous réserve que le transfert de propriété des titres résulte de leur inscription au nom de l’acquéreur dans le registre tenu par l’émetteur et que l’opération soit notifiée non seulement à l’émetteur mais également à la plateforme,
  • si l’émission des minibons a été enregistrée dans une blockchain : les opérations de cession sont constatées dans la blockchain. Le transfert de propriété des minibons résulte de l’inscription de la cession dans la blockchain. L’opération doit également être notifiée à la plateforme et à l’émetteur.

L’ensemble de ces dispositions entrent en vigueur le 1er octobre 2016.

Il sera intéressant de voir comment la finance participative qui dispose d’un potentiel important va s’intégrer au développement des blockchains. Déjà quelques grands établissements bancaires ou financiers ont décidé de recourir à cette nouvelle technologie. C’est ainsi que BNP Paribas Sécurité Services, La Caisse des Dépôts, la Société Générale, Euroclear et Euronext avec le soutien de Paris Europlace ont signé un accord destiné à étudier ensemble le développement d’une infrastructure dite « Blockchain » pour les PME Européennes3.

Toutes ces évolutions à la fois financières et technologiques sont intégrées dans le contenu de nos formations « Le financement du cycle d’exploitation » et « Le financement des investissements » et, lors de nos prestations de conseils aux entreprises « Montage et financement de projet ».

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